Calypso ne pouvoit se consoler du départ d'Ulysse. Dans sa douleur, elle se trouvoit malheureuse d'être immortelle. Sa grotte ne résonnoit plus du doux chant de sa voix. Les Nymphes, qui la servoient, n'osoient lui parler. Elle se promenoit sovuent seule sur les gazons fleuris, dont un printemps éternel bordoit son île; mais ces beaux lieux, loin de modérer sa douleur, ne faisoient que lui rappeler le triste souvenir d'Ulysse, qu'elle y avoit vu tant de fois auprès d'elle. Souvent elle demeuroit immobile sur la rivage de la mer, qu'elle arrosoit de ses larmes, et elle étoit sans cesse tournée vers le côté aù le vaisseau d'Ulysse, fendant les ondes, avoit disparu à ses yeux. Tout-à-coup, elle aperçut les débris d'un navire qui venoit de faire naufrage, des bancs de rameurs mis en pièces, des rames écartées çà et là sur le sable, un gouvernail, un màt et des cordages flottans sur la côte. Puis elle découvrit de loin deux hommes, dont l'un paraissoit âgé; l'autre, quoique jeune, ressembloit à Ulysse. Il avoit sa douceur et sa fierté, avec sa taille et sa démarche majestueuse. La Déesse comprit que c'étoit Télémaque, fils de ce héros; mais quoique les Dieux surpassent de loin en connoissance tous les hommes, elle ne put découvrir qui étoit cet homme vénérable, dont Télémaque étoit accompagné. C'est que les Dieux supérieurs cachent aux inférieurs tout ce qu'il leur plait: et Minerve, qui accompagnoit Télémaque sous la figure de Mentor, ne vouloit pas être connue de Calypso.
dimecres, 23 d’abril del 2008
François Fénelon. Les aventures de Télémaque, fils d'Ulysse (1699)
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